La spoliation de la collection Matsukata
Depuis de très nombreuses années, notamment durant la période coloniale ou à l’occasion de différents conflits armés, des milliers d’œuvres d’art ont été littéralement spoliées.
Tel est le cas du tableau "La Chambre à Arles" de Vincent Van Gogh issu de la collection Matsukata.
Industriel japonais et important collectionneur d'art, Kōjirō Matsukata est né le 17 janvier 1866. Fils d’un ancien Premier ministre du Japon, il est formé à la culture occidentale à l’issue de ses études aux États-Unis d’où il sort diplômé de l’université de Yale.
À l’occasion de deux longs séjours en Europe, à Londres et à Paris entre 1916 et 1922, il se constitue une imposante collection d’art moderne de plusieurs milliers de toiles, allant de Claude Monet à Pablo Picasso, de Paul Gauguin à Gustave Courbet, en passant notamment par Vincent Van Gogh, Paul Cézanne, Paul-Auguste Renoir ou encore Kees Van Dongen.
Doté d’un goût très sûr, Kōjirō Matsukata acquiert au début des années 1920 « la Chambre à Arles » chez le célèbre marchand parisien Paul Rosenberg, sur les conseils de Yukiō Yashirō, historien de l’art à qui il a confié la mission de l’assister dans la constitution de sa collection.
Kōjirō Matsukata a pour projet de créer au Japon un musée rassemblant les œuvres des plus grands maîtres occidentaux. Mais le rapatriement des œuvres vers l’empire du soleil levant se heurte à la législation fiscale nipponne qui applique des droits de douane de 100%. Face à cette taxation, il décide alors de stocker une partie de son immense collection à Londres, au garde-meuble "Pantechnicon", et à Paris, où son ami Léonce Bénédite accepte de remiser temporairement les œuvres dans les caves du musée Rodin.
Kōjirō Matsukata va jouer de malchance. Le 9 octobre 1939, un violent incendie éclate dans le garde-meuble londonien et la quasi-totalité de la collection est détruite par les flammes
C’est son homme de confiance, Kōsaburō Hiōki, qui veille sur le reste des œuvres entreposées à Paris.
En 1940, Hiōki décide de mettre la majeure partie de la collection parisienne à l’abri de la menace allemande. Il transporte les 336 tableaux dans la propriété que possède sa compagne à Abondant dans le département d’Eure-et-Loir. Les sculptures au nombre de 58, plus difficiles à transporter restent au musée Rodin.
Mais à la fin de la guerre, le sort semble s’acharner sur la collection puisqu’une ordonnance du gouvernement provisoire de la République française datée du 5 octobre 1944 place les "biens ennemis" sous séquestre, le Japon étant membre du pacte tripartite Rome-Berlin-Tokyo opposé aux Alliés. Il s’agit, à ce stade, d’une mesure purement conservatoire. La direction des domaines prend en charge les œuvres séquestrées et, en septembre 1945, donne son accord pour transférer dans les réserves du musée d’Art moderne les quelque vingt-cinq caisses plombées de tableaux. L’inventaire établi à cette occasion, mentionne plusieurs centaines d’œuvres comportant, des peintures sur toile, des aquarelles, des dessins, des livres, des gravures et des bronzes.
Après la guerre, une partie seulement de la collection sera restituée, la France conservant, dans des conditions juridiques extrêmement discutables, 18 oeuvres, dont "La Chambre d'Arles" de Vincent Van Gogh.
Pour un résumé complet de cette affaire, il convient de se reporter à la monographie intitulée " La chambre à Arles" de Vincent Van Gogh et la spoliation par la France de la collection Matsukata"
Cliquez ici pour lire l'article sur le site du Village de la Justice
Cliquez ici pour lire l'article sur le site d'International Restitutions
International Restitutions, dont l’objet social est notamment de veiller à la licéité de la composition des collections des musées publics, a décidé d'engager auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies une procédure de plainte contre la France pour le compte des héritiers de la collection Matsukata au titre de la gestion d’affaires telle que prévue par les dispositions de l’article 1301 du Code civil français.
Les plaintes devant les organes des Nations Unies en matière de respect des droits de l'homme revêtent un caractère confidentiel durant la procédure. Les différents éléments de ce dossier ne seront donc rendus publics qu'à l'issue de la phase d'instruction.